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Vue d'un lac et d'un quai avec des arbres à l'arrière-plan.
Vue du lac Massawippi dans les Cantons de l’Est, le 17 octobre 2024. La Presse canadienne/Graham Hughes

La santé d’un lac ne dépend pas seulement de ce qui se passe entre ses rives

En surface, la plupart des lacs et des rivières du Canada peuvent sembler purs. Mais sous la surface, ils sont confrontés à d’importants défis. Quels sont-ils ? Pour comprendre la santé des lacs et des rivières du Canada, nous devons regarder au-delà de leurs rives et prendre en compte l’ensemble du bassin versant.

Les ruisseaux, les rivières et les lacs du Canada sont des écosystèmes étroitement liés. Sous l’effet des précipitations et de la gravité, l’écoulement de l’eau varie selon les saisons et les lieux. Les cours d’eau reliés entre eux forment ce qu’on appelle un bassin hydrographique, ou versant, soit une étendue de territoire drainée par des plans d’eau, ce qui comprend les aquifères souterrains.


Nos lacs : leurs secrets, leurs défis, est une série produite par La Conversation/The Conversation.

Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s’y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d’eau d’une richesse inouïe !


Toute activité humaine qui affecte la qualité de l’eau qui circule dans un bassin versant — avec la pluie, la neige, l’irrigation et les eaux souterraines — aura un impact sur tous les plans d’eau du système. C’est pourquoi il est essentiel de surveiller et de réglementer les activités humaines dans le bassin d’un lac pour préserver sa santé et sa biodiversité.

Des perturbations peuvent influencer les écosystèmes aquatiques même si elles se produisent loin des rives, en particulier lorsque de grandes quantités d’eau s’écoulent rapidement. En d’autres termes, ce qui se produit en amont et sur la terre ferme est aussi important que ce qui se passe dans un lac. De plus, une mauvaise qualité de l’eau douce peut avoir un effet sur la santé du territoire l’entourant.

Dans le cadre de mes recherches, je vise à mieux saisir le fonctionnement, la biodiversité et la santé des écosystèmes des lacs, des ruisseaux et des rivières. Ces travaux sont d’autant plus nécessaires que les milieux aquatiques sont affectés par les changements climatiques. Ce qui est clair, c’est que pour bien interpréter ce qui se passe dans l’écosystème d’un lac, il faut regarder au-delà de son rivage.

En comprenant mieux comment l’eau circule dans un bassin hydrographique, nous pouvons agir de manière responsable et concevoir des politiques plus justes et efficaces.

Des limites et des frontières

Les limites des bassins versants, qui sont définies par la topographie du paysage, ne coïncident pas toujours avec les frontières politiques. Le bassin du Nil en est peut-être l’exemple le plus éloquent.

De plus, les humains modifient depuis longtemps les cours d’eau au moyen de barrages et par l’irrigation. Nos villes et nos exploitations agricoles, minières et forestières chevauchent souvent plus d’un bassin ou peuvent en surcharger d’autres.


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Des études récentes, menées dans le cadre du Réseau sur l’état des lacs, ont permis d’échantillonner plus de 650 lacs partout au Canada. Ces recherches ont montré qu’un taux d’urbanisation de 4 à 12 % dans un bassin hydrographique suffit à nuire à la biodiversité et au fonctionnement d’un écosystème.

C’est par l’urbanisation que les humains ont le plus d’impact sur les bassins hydrographiques. Cela vient sans doute du fait que l’écoulement de l’eau est bloqué par des infrastructures matérielles et modifié par la foresterie et la conversion des terres pour l’agriculture.

Une planche à voile passe devant des mouettes dans un paysage urbain
Un véliplanchiste fend les vagues sur le lac Ontario, avec la ville de Toronto en arrière-plan, par une chaude journée de février 2024. L’urbanisation des rives a un impact considérable sur la santé des lacs. La Presse canadienne/Nathan Denette

Il est important de savoir que la santé et la fonction d’un écosystème aquatique sont façonnées par ce qui se passe sur les terres dans l’ensemble du bassin versant. Ces influences à l’échelle du système sont appelées « allochtones » — par opposition aux interactions « autochtones » (internes) qui se produisent dans une seule masse d’eau.

Les influences externes (eaux de ruissellement) peuvent perturber les processus internes d’une masse d’eau et, dans certains cas, avoir des effets négatifs sur la santé des poissons et le réseau alimentaire local dans son ensemble.

Les changements climatiques jouent également un rôle de plus en plus important dans la vie de nos lacs. Au Canada, les conséquences les plus visibles du réchauffement sont l’augmentation de la gravité et de la durée des incendies de forêt et de l’intensité des tempêtes.

Ces événements extrêmes entraîneront une hausse du ruissellement dans nos lacs, qui risquent d’être perturbés par un apport excessif de nutriments, la salinisation et d’autres modifications chimiques de la qualité de l’eau.

L’écoulement des eaux

La connectivité entre les plans d’eau d’un bassin hydrographique est un autre élément essentiel à prendre en compte pour la conservation de la biodiversité.

Premièrement, ces liens aquatiques servent de couloirs migratoires pour les mammifères et les oiseaux, mais aussi pour des poissons et des invertébrés aquatiques tels que les insectes et les écrevisses. Avec les changements climatiques et le réchauffement des eaux, ces organismes auront de plus en plus besoin des couloirs au sein des bassins hydrographiques pour retrouver des eaux fraîches plus au nord.

Si les voies migratoires permettent la dispersion d’espèces indigènes, elles peuvent aussi favoriser la propagation d’espèces envahissantes. La gestion de ces dernières doit tenir compte du bassin versant et ne pas se concentrer uniquement sur la rivière ou le lac envahi.

Si une espèce exotique est apparue dans un bassin hydrographique, il est probable qu’elle sera bientôt dans un lac ou une rivière près de chez vous.

Une gare de triage près d’une rivière
Vue aérienne de la gare de triage Thornton du Canadien National sur le fleuve Fraser, à Surrey (C.-B.), en août 2024. La santé des liens aquatiques au sein d’un bassin hydrographique est d’une importance vitale pour l’ensemble de l’écosystème. La Presse canadienne/Darryl Dyck

Les contaminants — tels que des pesticides, des toxines diverses, des microplastiques et des nutriments — nécessitent également une gestion à large échelle. Tout comme les espèces envahissantes, ils peuvent s’écouler en aval d’un bassin. La présence de zones humides saines peut toutefois contribuer à les filtrer et à améliorer la qualité de l’eau.

Les barrages, les ponts et les ponceaux constituent une barrière physique à la connectivité dans un bassin versant. Bien qu’elles aient leur utilité, ces constructions affectent grandement les écosystèmes.

À titre d’exemple, de nombreuses espèces de poissons ne peuvent passer dans un ponceau ou sous un pont qui est bas. Ces structures humaines peuvent perturber considérablement la dynamique de leurs populations, leurs parcours et leur capacité à s’adapter à des conditions changeantes.

Malheureusement, les problèmes auxquels sont confrontées les populations de poissons peuvent avoir des répercussions importantes sur la biodiversité et les services écosystémiques dans un bassin hydrographique.

Interconnexion et concertation

L’interconnexion des écosystèmes des bassins hydrographiques nécessite une gouvernance concertée.

La gestion intégrée des bassins hydrographiques est une approche de la gouvernance de l’eau qui implique de nombreux organismes, collectivités et niveaux de gouvernement. Plusieurs provinces y ont recours, notamment les provinces les plus populeuses, à savoir l’Ontario et le Québec. Ce modèle doit devenir la norme dans tout le Canada.

De manière plus générale, la protection de la biodiversité dans un bassin versant doit être gérée de manière intégrée. L’idéal serait d’utiliser les frontières naturelles de ces bassins, et non les frontières politiques, en particulier pour les enjeux liés à la connectivité. Cependant, quand cela n’est pas possible, les systèmes de gouvernance de l’eau doivent transcender les frontières politiques lorsque cela s’avère nécessaire.

La nouvelle Agence de l’eau du Canada pourrait jouer un rôle de premier plan dans la gouvernance des bassins hydrographiques au-delà des frontières politiques.

Indépendamment des dispositions particulières, il est impératif que ceux qui se préoccupent de la santé de l’eau douce au Canada considèrent les lacs et les rivières dans un contexte plus large. C’est la seule façon de préserver la santé de nos systèmes d’eau douce.

This article was originally published in English