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Un groupe de femmes sourit et fait la fête en brandissant des drapeaux syriens.
Des femmes brandissent des drapeaux syriens pour célébrer la chute du régime Assad dans un restaurant de Damas, en Syrie, en décembre 2024. (AP Photo/Omar Sanadiki)

Le nouveau gouvernement syrien opprime déjà les femmes. À quel avenir peuvent-elles s’attendre ?

Au moment où la communauté internationale se réjouit de la chute d’une dictature après l’effondrement du régime d’Assad en Syrie, l’avenir des droits des femmes y demeure incertain.

Les dirigeants mondiaux ont salué positivement la libération de la Syrie et discutent du retour de 5,5 millions de réfugiés, mais les défenseurs des droits des femmes émettent des inquiétudes.

Les transitions de pouvoir en Iran, en Afghanistan et dans d’autres pays à majorité musulmane ont souvent mis en péril les libertés durement acquises par les femmes. C’est pourquoi il est essentiel de donner la priorité aux droits des femmes en Syrie, afin de s’assurer que leur voix ne soit pas oubliée dans la quête de stabilité et de justice.


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Traitement des femmes

Les forces militantes islamistes dirigées par le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ont renversé le régime d’Assad.

Même si HTS et son chef, Ahmad al-Sharaa, se disent modérés et axés sur la gouvernance, la façon dont le groupe traite les femmes suscite de vives inquiétudes quant à l’avenir de leurs droits en Syrie.

À Idlib d’abord, puis dans d’autres grandes villes, l’armée de HTS a commencé à appliquer des lois strictes fondées sur son interprétation de la loi islamique, limitant la mobilité des femmes, leur habillement et leur participation à la vie publique.

Les femmes doivent être accompagnées par un homme dans les lieux publics, et la police des mœurs de HTS peut infliger des amendes, humilier ou détenir celles qui enfreignent le code vestimentaire. Les femmes sont confinées à des rôles domestiques, et on punit sévèrement celles qui s’y opposent. Les militantes et les travailleuses humanitaires sont victimes de harcèlement, d’arrestations et d’intimidation.

Une famille à moto dans une rue d’Idlib, en Syrie, le 14 janvier 2025
A family on a motorbike on a street in Idlib, Syria, on Jan. 14, 2025. (AP Photo/Mosa’ab Elshamy)

Après 13 ans de guerre civile, la situation des Syriennes est très préoccupante, surtout si on examine ce qui s’est produit dans d’autres pays de la région qui ont connu des transitions similaires.

En Iran, après la révolution de 1979, les femmes ont perdu de nombreux droits sous le régime islamiste de l’ayatollah Khomeini, avec des lois imposant le port du hijab et des restrictions à leur participation à la vie économique et politique.

Avec leur retour au pouvoir en Afghanistan en 2021, les talibans ont privé les filles et les femmes du droit à l’éducation et au travail. De même, avec la montée en puissance de l’État islamique en 2014, les femmes yézidies ont été réduites à l’esclavage et le viol est devenu une arme de guerre en Irak et en Syrie.


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Révolution de l’esprit

Les discussions internationales sur la transition politique en Syrie ont accordé peu d’attention à l’influence des diverses interprétations de l’idéologie islamique sur les droits fondamentaux des femmes et leur rôle dans la société.

Sans un effort considérable de la part des défenseurs des droits des femmes, les Syriennes connaîtront probablement le même sort que leurs consœurs d’Afghanistan, d’Iran et d’Irak, et assisteront, au nom de la convenance politique, à l’annulation de décennies de progrès.

Comme le rappelle la commentatrice égypto-américaine Mona Eltahawy, la bataille au sujet du corps des femmes ne peut être gagnée que grâce à une révolution de l’esprit.

L’avenir de la Syrie doit inclure la voix des femmes. Les Syriennes ont été les piliers de leurs collectivités pendant les 13 années de guerre, mais on les a systématiquement exclues des négociations de paix. Conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, les femmes doivent participer de manière active et significative aux négociations de paix afin de façonner l’avenir du pays.

Les Syriennes ont été l’épine dorsale de leurs familles et de leurs collectivités pendant la guerre civile, en tant que dirigeantes, travailleuses humanitaires et visionnaires. Malgré leur résilience et leurs sacrifices, elles n’ont pas été intégrées dans le processus de détermination de l’avenir de la Syrie.

Des femmes en niqab marchent dans une rue de la ville
Des femmes marchent dans un marché de Damas, en Syrie, le 9 janvier 2025. (AP Photo/Leo Correa)

Les droits des femmes doivent être au cœur des préoccupations

La communauté internationale devrait se concentrer sur l’autonomisation de la société civile locale et la défense des droits des femmes, afin de donner à la Syrie de meilleures chances de construire une société inclusive.

Les gouvernements occidentaux doivent exhorter les nouveaux dirigeants de Damas à poursuivre une transition politique inclusive, conformément à la résolution de l’ONU de 2015, au lieu de chercher une façon de reconnaître HTS comme un partenaire légitime malgré sa classification comme organisation terroriste.

La résolution prévoit la mise en place d’un gouvernement de transition inclusif doté des pleins pouvoirs exécutifs, l’élaboration d’une nouvelle constitution, la tenue d’élections supervisées par les Nations unies dans un délai de 18 mois et la garantie du droit de vote pour tous les Syriens, y compris les réfugiés et ceux vivant à l’étranger.

Un homme barbu et mince, en tenue de camouflage, prend la parole
Ahmad al-Sharaa prend la parole dans une mosquée de Damas en décembre 2024. (AP Photo/Omar Albam)

Malgré la liberté retrouvée en Syrie, des préoccupations persistent concernant la vie sous un gouvernement formé par des militants islamiques et la possibilité de nouvelles restrictions. Les Syriens suivent de près la situation à la recherche d’indices sur la manière dont les nouveaux dirigeants vont gouverner.

Ahmad al-Sharaa a déclaré qu’il faudrait jusqu’à trois ans pour élaborer une constitution et jusqu’à quatre ans pour organiser des élections, ce qui fait craindre que l’on ait simplement remplacé un régime autoritaire par un autre.

Cycles de brutalité

Au cours des dernières décennies, on a assisté au Moyen-Orient à une alternance entre des dictatures brutales et des régimes islamistes, la plupart du temps misogynes.

Lorsqu’une dictature s’effondre, c’est souvent un régime islamique qui comble le vide, et lorsqu’il tombe à son tour, une autre dictature implacable lui succède généralement.

En Iran, la dictature du shah a cédé la place au régime théocratique de Khomeini. En Égypte, la chute de Hosni Moubarak a entraîné l’ascension des Frères musulmans et l’imposition de restrictions aux droits des femmes, avant qu’un autre régime autoritaire ne vienne les déloger.

La Tunisie a connu une tendance similaire. Quand la dictature de Ben Ali a pris fin, les groupes islamistes ont pris le pouvoir, puis ont été remplacés par le régime autoritaire de Kais Saied.

La Syrie semble suivre un cycle semblable, l’autoritarisme d’Assad ayant fait émerger des factions islamistes. La question est maintenant de savoir si le peuple syrien peut briser ce cycle et établir un gouvernement inclusif qui donne aux femmes et aux minorités des droits égaux et une citoyenneté à part entière.

This article was originally published in English