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Deux personnes sont assises sur un quai entouré d'eau verte.
Le 4 septembre 2024,des gens pêchent sur le bord du lac Érié au moment d’une prolifération algale, à Toledo, dans l’Ohio. Les hivers plus chauds entraînent des proliférations plus longues et plus fréquentes. (AP Photo/Joshua A. Bickel)

Les hivers plus chauds favorisent les proliférations d’algues dans les Grands Lacs

Bien qu’elles aient généralement lieu l’été, les proliférations d’algues peuvent se prolonger jusqu’à l’automne. À la fin du mois d’octobre 2024, on pouvait encore en observer sur les rives méridionales du lac Érié.

Par temps chaud, les gens affluent vers les petits lacs de l’Ontario pour nager, faire du canot ou simplement jouir de la tranquillité des berges. Chaque année, les zones riveraines se transforment en centres économiques animés, avec des chalets, des magasins de crème glacée, des cafés et des restaurants qui tirent profit des vues qu’ils offrent.

Toutefois, ce cadre idyllique est gâché lorsque des algues vertes malodorantes s’échouent sur le rivage. Que ce soit en été ou en automne, les proliférations d’algues nous empêchent de savourer pleinement les moments passés près de l’eau ou sur l’eau.


Nos lacs : leurs secrets, leurs défis, est une série produite par La Conversation/The Conversation.

Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s’y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d’eau d’une richesse inouïe !


Certaines proliférations peuvent même devenir toxiques, c’est-à-dire nocives pour l’être humain et même pour les animaux domestiques.

Nos récentes recherches menées à l’Université de Waterloo indiquent que les changements climatiques pourraient contribuer à la détérioration de la qualité de l’eau, et que la situation risque de continuer à se détériorer. Il pourrait en résulter une augmentation des proliférations d’algues peu esthétiques et potentiellement nocives dans les lacs ontariens.

Si ce phénomène se produit chaque année dans des endroits comme le bassin occidental du lac Érié et certaines parties du lac Ontario, les recherches montrent que les proliférations deviendront plus fréquentes dans les petits et grands lacs de la province. Les régions de Muskoka et des lacs Kawarthas, réputées pour attirer les villégiateurs, sont particulièrement menacées.


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Cette situation est préoccupante, car les proliférations algales peuvent avoir un impact négatif sur l’environnement, la santé humaine et l’économie. Elles peuvent également augmenter les coûts de traitement de l’eau. De plus, elles limitent la possibilité de jouir des lacs et des rivières pour la baignade, la navigation de plaisance et la pêche. En entraînant une diminution du nombre de visiteurs, elles occasionnent une perte de retombées économiques pour les industries locales.

Le Canada doit s’attaquer sérieusement aux causes des proliférations d’algues dans un monde en réchauffement.

D’où viennent les proliférations d’algues ?

Les algues sont un élément naturel et essentiel des réseaux alimentaires aquatiques. Cependant, une hausse de nutriments tels que l’azote et le phosphore peut créer un déséquilibre qui engendre une multiplication rapide des algues.

Les nutriments qui se retrouvent dans les masses d’eau proviennent de diverses sources dans le bassin versant, notamment le ruissellement agricole, le rejet d’eaux usées et pluviales, ainsi que le phosphore résiduel des anciennes pratiques d’utilisation des sols.

Les proliférations algales se produisent généralement tard en été, car, comme pour toute plante, la température et la lumière influencent la croissance des algues.

Ces proliférations finissent par se résorber lorsque les conditions deviennent défavorables. Les algues en décomposition constituent alors une source de nourriture pour les bactéries. C’est ce qui peut engendrer une odeur d’œuf pourri. Les bactéries se multiplient et aspirent l’oxygène de l’eau, causant l’asphyxie des poissons et d’autres organismes aquatiques.

On sait désormais que les changements climatiques exacerbent l’intensité et la fréquence des proliférations d’algues dans le monde entier. Les scientifiques s’accordent à dire que le réchauffement entraîne une réduction de la couverture glaciaire, une hausse de la température de l’eau et une augmentation du ruissellement des nutriments en raison de tempêtes plus fréquentes et plus violentes.

Ce qu’on sait moins, c’est comment les changements climatiques affectent les conditions hivernales, ce qui pourrait entraîner davantage de proliférations au cours des mois chauds. Notre recherche visait à faire la lumière sur cette question.

Une prolifération d’algues est observée dans l’eau
Une prolifération d’algues dans le lac Érié près de la ville de Toledo, dans l’Ohio, en 2014. (AP Photo/Haraz N. Ghanbari)

Hausse des concentrations de phosphore

Nous avons analysé 300 cours d’eau du bassin des Grands Lacs et avons observé que les concentrations de phosphore dissous augmentaient partout et avaient presque doublé dans certains d’entre eux ces dix dernières années.

Le phosphore dissous est particulièrement inquiétant, car c’est sous cette forme que les algues peuvent l’assimiler plus facilement. Alors que nous nous attendions à des hausses dans les zones agricoles, nous en avons aussi remarqué dans les bassins versants urbains et forestiers. Fait intéressant, les hausses les plus importantes ont été constatées dans les zones forestières.

Nos modèles ont également révélé que le taux de croissance est plus élevé dans le nord, probablement parce que le climat s’y réchauffe plus rapidement.

Avec les changements climatiques, les hivers sont plus doux et le sol dégèle plus tôt, libérant du phosphore (ou de l’azote) qui, autrement, demeurerait piégé jusqu’au printemps ou à l’été. Mais les plantes étant en dormance pendant l’hiver, le phosphore s’écoule dans les cours d’eau et les lacs, où il reste jusqu’à ce que les températures augmentent, fournissant ainsi des nutriments pour la prolifération des algues. Cette situation diffère de ce qu’on observait avant, quand le phosphore n’était pas libéré avant le printemps et l’été, de sorte que les plantes pouvaient l’absorber pour leur croissance et qu’il ne s’écoulait pas dans les cours d’eau.

Ainsi, les proliférations d’algues seront non seulement plus hâtives et plus fréquentes, mais elles se produiront aussi dans les plans d’eau de tout le bassin des Grands Lacs, y compris dans ceux qui n’avaient pas encore été touchés, tels que les réservoirs et les petits lacs d’eau pure.

On observe déjà des proliférations dans des endroits inhabituels, comme le lac Supérieur, où l’on n’en voyait jamais auparavant. Il s’agit d’une nouvelle inquiétante pour les communautés de villégiature de l’Ontario.

Les champs agricoles sont vus d’en haut
Du soja pousse de chaque côté d’une bande d’isolement en août 2024, dans une ferme de Forest, dans l’Ohio. Ces bandes permettent de filtrer le ruissellement des nutriments provenant des champs agricoles avant qu’ils ne pénètrent dans les systèmes d’approvisionnement en eau. (AP Photo/Joshua A. Bickel)

Pour limiter les proliférations algales, nous devons non seulement réduire le ruissellement des engrais agricoles, mais aussi diminuer les émissions de gaz à effet de serre afin de protéger la qualité de l’eau des milliers de petits lacs de l’Ontario. Nous devons prendre des mesures proactives.

En adoptant des stratégies de gestion innovantes et en nous engageant à réduire les émissions de carbone, nous pouvons préserver la beauté et la santé de nos lacs et de nos plages pour les générations futures.

This article was originally published in English