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Des gens marchent ou font du ski de fond sur une allée enneigée, entourée d'arbres
Scène hivernale sur le Mont Royal, à Montréal. Rapprocher la nature des citadins, et la protéger est l'une des clés du concept d'Une seule santé urbaine. (Shutterstock)

Voici comment aménager des villes plus durables, pour les humains, et aussi pour tous les écosystèmes

Au Canada, les trois quarts des citoyens vivent en ville, et c’est plus de la moitié dans le monde. C’est donc dire que la qualité de l’air, de l’eau ainsi que la biodiversité dans nos villes sont essentielles pour assurer la santé de leurs habitants.

Ce sont les gouvernements locaux et les municipalités qui sont en première ligne pour affronter les crises actuelles, climatiques, migratoires, socio-économiques. La gouvernance locale sera cruciale pour aider les municipalités à relever ces défis sanitaires contemporains.

C’est ainsi qu’est venue la proposition de décloisonner deux concepts en santé publique, celui de « Villes en Santé », qui reposent sur la mise en place de politiques publiques favorables à la santé et la qualité de vie, et s’appuient sur des stratégies d’autonomisation et de participation citoyenne, et celui d’« Une seule santé », qui considère les santés des humains, animaux et écosystèmes comme étroitement liées.

Nous arrivons ainsi à un nouveau terme : « Une seule santé urbaine ».


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Depuis 2023, la nouvelle Chaire d’excellence en recherche du Canada Une seule santé urbaine, à l’Université de Montréal, se penche notamment sur les mécanismes de gouvernance au sein de la ville, afin d’aider les municipalités à contribuer à la santé urbaine, à sa biodiversité, et au bien-être des citadins.

Respectivement titulaire de la Chaire, professeures en médecine vétérinaire et enseignant en santé urbaine, nous proposons de vous présenter cette nouvelle démarche.


Nos villes d’hier à demain est une série produite par La Conversation.

Cet article fait partie de notre série Nos villes d’hier à demain. Le tissu urbain connait de multiples mutations, avec chacune ses implications culturelles, économiques, sociales et — tout particulièrement en cette année électorale — politiques. Pour éclairer ces divers enjeux, La Conversation invite les chercheuses et chercheurs à aborder l’actualité de nos villes.

Les villes-santé

La promotion de la santé est apparue officiellement en 1986 avec la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Son programme des villes-santé est né la même année, pour appliquer localement ces nouveaux principes de promotion de la santé.

La charte recommandait une démarche socio-écologique, ciblant autant le cadre de vie socio-économique que naturel. L’un des principes directeurs de la Charte était de prendre soin de la nature environnante, localement et mondialement.

Mais la santé publique a progressivement privilégié les déterminants sociaux de la santé, délaissant le volet écologique de nos cadres de vie, que ciblent aujourd’hui les chercheurs en santé planétaire et en écosanté.

Une seule santé

Le concept d’« Une seule santé » souligne depuis les années 2000 l’interdépendance et l’interconnexion entre la santé de la nature (les animaux et les écosystèmes) et la santé des êtres humains. La grippe aviaire nous rappelle que la santé humaine n’est pas indépendante de la santé des animaux (domestiqués et sauvages).

Autrement dit, il n’y a qu’une seule santé, celle de la nature et celle des êtres vivants, humains compris, au sein d’un même environnement, la planète. Selon l’OMS, les activités humaines, telles que l’agriculture et l’élevage, les industries extractives, le changement climatique, la fragmentation des habitats, l’urbanisation viennent dégrader les écosystèmes planétaires et créent de nouveaux risques d’émergence et de propagation de maladies.

Le virus du Nil occidental, la dengue ou le chikungunya, sont transmis par des moustiques (les vecteurs) qui migrent vers le nord au profit des changements climatiques. Leur présence oblige des villes européennes à faire des campagnes de prévention. Au Canada, les promeneurs doivent prendre garde à certaines tiques qui transmettent la maladie de Lyme.


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Mais « Une seule santé » demeure principalement axée sur la virologie et la prévention des maladies. Il faudrait donc élargir le concept à une démarche de la santé plus positive, en ciblant davantage le bien-être et comment rester en bonne santé, soit l’approche salutogénique (du latin salus, santé et genesis, origine.).

Une seule santé urbaine

« Une seule santé urbaine » propose de transposer en ville le concept d’« Une seule santé », en ciblant l’interaction humains-nature, mais en élargissant la portée du concept en intégrant la promotion de la santé positive (telle qu’appliquée dans le concept des « villes en santé »). Cela va au-delà de la prévention des maladies, en replaçant notamment l’écologie et la santé de la nature au cœur des stratégies en santé publique.

Il s’agit de la pollution de l’air, source de mortalité et de morbidité, qui pourrait coûter 1 % du PIB mondial d’ici 2060, selon l’OCDE ; les inondations après des pluies torrentielles liées aux changements climatiques ; la résistance aux antibiotiques de certaines bactéries, notamment en raison de l’élevage intensif.


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À cela s’ajoutent les nanoplastiques dans l’eau, qui pénètrent dans le corps humain, les PFAS, les polluants éternels présents dans la chaîne alimentaire, qui entraînent de graves effets sur la santé.

« Une seule santé urbaine » revient en fait aux sources de la nouvelle santé publique, où l’écologie était aussi primordiale que le social.

La démarche rejoint finalement les objectifs d’une santé durable : « un esprit sain dans un corps sain, dans un milieu de vie et un environnement sains, sur une planète en santé » selon l’Alliance Santé Québec, un regroupement autour de l’Université Laval d’établissements de santé et de services sociaux de la région de Québec.

Chaire de recherche Une seule santé urbaine

L’objectif de notre équipe transdisciplinaire à la Chaire « Une seule santé urbaine » est d’explorer comment la gouvernance locale peut contribuer à aménager des villes plus saines — plus vertes, durables, innovantes, résilientes — en intégrant l’écologie urbaine et la biodiversité à la panoplie d’outils en santé publique.

Différentes pistes de recherches ont d’ores et déjà été identifiées, dont une cartographie de la biodiversité en ville pour étudier le rapport avec l’état de santé des habitants selon leur quartier ; l’écopâturage urbain, dans le parc Maisonneuve ; la phytoremédiation (dépolluer par les plantes) dans des friches industrielles à Pointe-aux-Trembles ; les écoquartiers à Montréal et le développement de stratégies durables pour préserver la biodiversité de parcs nature péri-urbains tout en promouvant la santé humaine.

D’autres projets de recherches se pencheront sur d’autres facettes de l’écosystème urbain : la justice et l’équité dans les transports en fonction des lieux d’habitation, au centre-ville ou en banlieue par exemple, comment aménager des aéroports en santé et comment les grands immeubles interconnectés peuvent contribuer à la santé urbaine (la ville verticale).

Éco-centrisme

Ainsi, la Chaire « Une seule santé urbaine » vise à contribuer à un changement de paradigme sur la place de l’humain dans l’univers.

À l’ère de l’anthropocène, il faudrait peut-être remettre l’écologie et les écosystèmes au centre des préoccupations. Par exemple, l’idée du corridor écologique Darlington dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal, a germé au départ en 2014 pour faciliter le déplacement des animaux comme le renard, en reliant le parc du Mont-Royal à une voie de chemin de fer. Le projet offrira aussi des espaces verts, et des lieux de détente et de loisir aux résidents.

Un exemple qu’une nature en meilleure santé est aussi bonne pour le bien-être physique, mental et social des êtres humains.