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Une adolescente recroquevillée assise sur le sol
La violence subie à l’adolescence contribue à l’émergence de troubles de santé mentale. (Shutterstock)

Voici pourquoi certains quartiers favorisent la violence dans les relations amoureuses chez les ados

Au Canada, la violence dans les relations amoureuses touche plus d’un tiers des adolescents, ce qui en fait un enjeu de santé publique majeur.

Ce phénomène désigne l’ensemble des comportements exercés par une personne sur une autre dans le cadre d’une relation intime, susceptibles de causer des préjudices de nature psychologique, physique et sexuelle.

Pour guider la mise en place de stratégies préventives visant à réduire la prévalence de la violence dans les relations amoureuses, il est essentiel d’identifier les facteurs qui augmentent les risques ou qui les réduisent (facteurs de protection). Certains de ces facteurs sont des caractéristiques individuelles (comme le genre), familiales (exposition à la violence familiale), sociales (fréquentation de pairs ayant des comportements antisociaux) et même géographiques (associées aux milieux de vie).

Dans le cadre de ma thèse de doctorat en santé et société à l'Université du Québec à Montréal, je me suis intéressé au lien entre les quartiers de résidence et la violence dans les relations amoureuses chez les adolescents et adolescentes à Montréal.

Mes analyses ont été menées à partir des données de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire. Les résultats suggèrent que le risque de subir et de perpétrer de la violence dans les relations amoureuses est associé à plusieurs caractéristiques des quartiers.

Je distingue dans ma thèse trois composantes des quartiers de résidence susceptibles de jouer un rôle sur la violence dans les relations amoureuses chez les adolescents et adolescentes, soit les caractéristiques sociodémographiques de la population locale, l’environnement bâti (attributs physiques des quartiers) et l’environnement social (processus sociaux au sein des quartiers).


Nos villes d’hier à demain est une série produite par La Conversation.

Cet article fait partie de notre série Nos villes d’hier à demain. Le tissu urbain connait de multiples mutations, avec chacune ses implications culturelles, économiques, sociales et — tout particulièrement en cette année électorale — politiques. Pour éclairer ces divers enjeux, La Conversation invite les chercheuses et chercheurs à aborder l’actualité de nos villes.

Caractéristiques sociodémographiques

La violence dans les relations amoureuses chez les jeunes serait plus importante dans les quartiers défavorisés, ainsi que dans ceux caractérisés par une forte proportion de familles monoparentales, un niveau élevé de diversité ethnoculturelle et une faible instabilité résidentielle (proportion de personnes ayant récemment déménagé). Ces facteurs affecteraient surtout la victimisation chez les filles, tandis qu’ils seraient surtout associés au risque de commettre un acte de violence dans un contexte amoureux chez les garçons.

Plusieurs mécanismes peuvent expliquer ces associations. Dans les quartiers défavorisés, les ressources (p. ex. organismes communautaires) susceptibles de soutenir les adolescents et adolescentes et de prévenir les comportements antisociaux peuvent être plus limitées. Ces milieux favoriseraient également des niveaux élevés de stress et de détresse psychologique chez les jeunes, ainsi que leur exposition à des environnements où la violence est davantage tolérée.

Par ailleurs, une forte proportion de familles monoparentales dans les quartiers est associée à une supervision plus limitée en raison de la plus faible disponibilité des adultes.

Une forte diversité ethnoculturelle peut quant à elle affecter le développement de liens sociaux durables entre les résidents, ce qui limiterait leur capacité à agir collectivement pour prévenir la délinquance et les comportements violents.

Enfin, dans les quartiers socialement désavantagés, la faible instabilité résidentielle, qui se traduit par une population locale stable avec peu de variations dans sa composition, refléterait le manque de mobilité pour les résidents et l’isolement social, ce qui pourrait accentuer les effets néfastes de l’exposition à ces milieux.

Environnement bâti

Plusieurs caractéristiques de l’environnement bâti sont également associées à la violence dans les relations amoureuses.

Chez les filles, la capacité d’un milieu à favoriser les déplacements actifs comme la marche ou le vélo a été identifié comme un important facteur de protection. Il contribueraient à réduire le risque de victimisation et de commettre de la violence dans les relations amoureuses.


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Bien sûr, ce n’est pas l’aménagement physique en lui-même qui agit sur l’occurrence de la violence, mais plutôt l’effet des facteurs de protection qui résultent de cet aménagement. On pense à une fréquentation accrue des espaces publics par la population. Cela peut se traduire par la présence de témoins susceptibles d'intervenir ou de prévenir les comportements violents.

De tels aménagements peuvent aussi favoriser l'activité physique et les interactions sociales. L’activité physique contribue à une meilleure santé mentale et à une meilleure estime de soi, tandis que les interactions sociales favorisent les opportunités de soutien social et de supervision des jeunes par des adultes de leurs quartiers. Ils sont tous des facteurs de protection de la violence dans les relations amoureuses.

Chez les garçons, l’exposition à une plus forte densité des points de vente d’alcool est associée à un risque plus élevé de perpétrer de la violence dans les relations amoureuses. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’une forte densité de ces commerces favorise la consommation d’alcool.

À l’inverse, le niveau de végétation des quartiers aurait un effet protecteur chez les garçons, en réduisant le risque de victimisation. Les garçons seraient particulièrement sensibles à l’exposition à la végétation qui contribuerait à une meilleure santé mentale et à une diminution des comportements agressifs, soit deux facteurs de protection de la violence dans les relations amoureuses.

L'environnement social

Enfin, l'environnement social joue également un rôle important sur le risque de vivre de la violence dans les relations amoureuses.

Les garçons seraient particulièrement sensibles au niveau de criminalité des quartiers. L’exposition à la criminalité contribue à la normalisation des comportements violents, lesquels peuvent ensuite être reproduits dans le cadre des relations intimes.


L’expertise universitaire, l’exigence journalistique.

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Chez les filles, le soutien social dans les quartiers, qui se traduit par la présence d’adultes (voisins, intervenants communautaires) pouvant être sollicités pour se confier ou faire face à certains défis, et l’implication sociale (dans des activités au sein de groupes comme des clubs) auraient tous deux des effets protecteurs sur la violence perpétrée dans les relations amoureuses.

Améliorer les conditions de vie des quartiers

Considérant l’effet des quartiers sur la prévalence de la violence dans les relations amoureuses, la mise en place d’interventions visant à créer des quartiers propices au développement des adolescents et adolescentes contribuerait à lutter efficacement contre cette problématique.

Actuellement, les stratégies préventives implantées à travers le monde consistent en des programmes universels en milieu scolaire qui ciblent les jeunes eux-mêmes et non les caractéristiques des milieux de vie. L’efficacité de ces programmes a été démontrée, mais leurs effets sont relativement faibles. Les interventions qui ciblent des caractéristiques des quartiers associés à la violence dans les relations amoureuses constituent une avenue prometteuse pour lutter contre ce phénomène et pourraient compléter les programmes de prévention existants.

Plusieurs pistes d’interventions à l’échelle des quartiers ont été identifiées à partir des résultats de mes recherches. Ces stratégies préventives devraient cibler en priorité les quartiers les plus désavantagés. Il pourrait s'agir d'implanter des ressources communautaires et d’améliorer les conditions de vie, par exemple en augmentant le niveau de végétation et le potentiel piétonnier.

Des interventions visant à favoriser l’implication sociale et la cohésion sociale ainsi qu’à transformer les normes sociales ont montré des effets bénéfiques sur les comportements violents des jeunes. Pour atteindre ces objectifs, diverses activités mobilisant la communauté dans les quartiers peuvent être organisées, telles que des événements sociaux et culturels (projets participatifs, activités de sensibilisation) et des initiatives ayant pour but d'améliorer l'environnement bâti par la communauté (activités de verdissement).

De telles pratiques seraient utiles pour guider le développement de stratégies préventives ciblant spécifiquement la violence dans les relations amoureuses chez les jeunes. Par exemple, la mise en place de projets participatifs dans les quartiers ou d’évènements publics visant à sensibiliser les communautés à la violence dans les relations amoureuses sont des exemples d’interventions pouvant permettre de lutter efficacement contre cette problématique.